Colloque OMI/INTERPORTPOLICE
Relever les défis de l'application du droit maritime
Les défis en matière d'application de la loi auxquels est confrontée le secteur maritime dans un monde de plus en plus interconnecté ont fait l'objet d'un colloque organisé conjointement par l'OMI et l'Organisation internationale de la police des ports et des aéroports (INTERPORTPOLICE). Le colloque (16 mars), qui s'est tenu à distance et en présentiel au Siège de l'OMI lors de la quarante-septième session du Comité de la simplification des formalités (FAL 47), a examiné une série d'infractions liées aux ports et aux transports maritimes, notamment la corruption, les documents frauduleux et le commerce illicite d'espèces sauvages.
Le commerce illicite d'espèces sauvages est estimé à 20 milliards de dollars par an et, avec plus de 80 % du commerce mondial transporté par voie maritime, le public a appris comment les transports maritimes offrent aux criminels une méthode attrayante pour acheminer leurs marchandises illicites dans le monde entier.
Le colloque a été ouvert par Mme Heike Deggim, Directrice de la Division de la sécurité maritime de l'OMI. Elle a décrit les mesures prises par l'OMI pour lutter contre la criminalité maritime liée aux espèces sauvages ainsi que la corruption et la fraude, et a invité les services de détection et de répression et les services de contrôle aux frontières à participer aux futures sessions du Comité FAL, le décrivant comme le meilleur forum pour permettre de faciliter davantage les transports maritimes. Elle a appelé les gouvernements, les services de police et de contrôle aux frontières, ainsi que le secteur des ports et des transports maritimes à collaborer plus étroitement afin de promouvoir la facilitation du trafic maritime international.
Dans son discours d'ouverture, M. Jay Grant, Secrétaire général d'INTERPORTPOLICE, a salué les actions du Comité FAL visant à améliorer la coopération et la communication grâce à une utilisation accrue de l'échange électronique des données et de systèmes du guichet unique, et a exprimé son soutien aux orientations de l'OMI en matière de lutte contre les activités illégales.
M. Grant a déclaré qu'il était important que le secteur prenne - et soit perçu comme prenant - des mesures pour dissuader et détecter de telles activités. Il a décrit l'un des objectifs d'INTERPORTPOLICE comme étant d'aider à "harmoniser les mesures d'application de la loi et de sécurité mises en place par les services de police des ports et des aéroports, les agences de contrôle aux frontières et les prestataires de services de sécurité avec celles du secteur maritime", et il a mis au défi la communauté des services de police, les gouvernements et les secteurs maritime et portuaire de s'engager davantage les uns avec les autres.
Déclaration de Buckingham Palace
L'un des moments clés de la journée a été la signature de la Déclaration de Buckingham Palace par M. Jay Grant au nom d'INTERPORTPOLICE. La Déclaration est un accord historique qui engage les signataires à prendre des mesures concrètes pour fermer les routes exploitées par les trafiquants d'espèces sauvages. L'OMI a été l'un des premiers signataires en 2016.
Lord Hague of Richmond, Président de la Royal Foundation of the Prince and Princess of Wales, qui est à l'origine de la Déclaration, a souhaité la bienvenue à INTERPORTPOLICE au sein du réseau d'organisations qui œuvrent au renforcement des défenses contre le trafic d'espèces sauvages.
"Les criminels qui se cachent derrière ce trafic ne peuvent pas être autorisés à agir en toute impunité", a-t-il déclaré, ajoutant : "Nous devons tous faire ce qui est en notre pouvoir pour débarrasser le monde de cet horrible commerce".
Il a salué l'approbation par le Comité de la simplification des formalités de l'OMI, en 2022, de directives portant sur la prévention et l'élimination du commerce international illicite d'espèces sauvages à bord des navires. Voir FAL.5/Circ.50.
Décrivant le commerce maritime comme "l'épine dorsale de l'économie britannique", Lord Hague a déclaré que le pays était à la pointe du secteur maritime et de la technologie maritime. Mais il a également mis en garde contre le rôle "involontaire mais significatif" que joue le secteur dans la contrebande d'espèces sauvages.
Lord Hague a expliqué comment le commerce illégal d'espèces sauvages par les criminels converge désormais avec celui des stupéfiants et de la traite des êtres humains, illustrant la sophistication de ces réseaux qui ont également des liens avec la piraterie et le terrorisme. Il a expliqué comment le programme de la Royal Foundation's United for Wildlife développe des partenariats pour combattre et éradiquer le commerce illégal d'espèces sauvages. Son travail a contribué, selon lui, à plusieurs centaines d'arrestations dans le monde.
S'exprimant après la signature de la Déclaration, M. John Dodsworth, de la branche du Fonds mondial pour la nature au Royaume-Uni (WWF UK), a déclaré que la criminalité illégale liée aux espèces sauvages était bien plus qu'un simple problème de conservation. Il s'agit, a-t-il dit, d'un problème de sécurité, d'économie et de santé publique à l'échelle mondiale, qui présente peu de risques mais rapporte beaucoup à ceux qui s'en rendent coupables. S'attaquer à ce problème n'est pas une mince affaire, a-t-il déclaré, mais des progrès ont été accomplis.
Corruption maritime : "pour danser, il faut être deux"
Mme Cecilia Müller Torbrand, Directrice générale du Réseau de lutte contre la corruption maritime (MACN), a ouvert une table ronde avec un exposé sur le thème de la lutte contre la corruption. Elle a expliqué que comment la répartition dans de nombreuses juridictions crée un environnement complexe pour les transports maritimes qui, parallèlement à la contribution qu'il apporte au développement économique des pays, expose le secteur au risque de corruption.
Son organisation, qui compte plus de 180 membres et représente plus de 50 % du tonnage mondial, a enregistré 50 000 incidents de corruption au cours de ses dix années d'existence, mais elle estime qu'il ne s'agit là que de la partie émergée de l'iceberg, compte tenu du nombre d'escales effectuées par les navires.
Mme Müller Torbrand a salué les progrès réalisés au niveau de l'OMI, par exemple les directives approuvées par le Comité FAL pour lutter contre la corruption maritime en 2022, mais elle a appelé à davantage d'action collective pour lutter contre le problème, notant que "pour danser, il faut être deux".
Le MACN travaille avec les armateurs-gérants, les propriétaires de navires, les agents portuaires et les registres du pavillon, a-t-elle déclaré, tout en mettant en garde son auditoire : "Il s'agit d'un problème mondial. Nous devons tous travailler ensemble pour lutter contre ce phénomène au niveau des ports".
On lui a demandé ce que les gens de mer devaient faire si on leur demandait de l'argent.
"Je ne leur recommande jamais de payer en liquide", a-t-elle répondu. "Si les paiements sont effectués et qu'ils disent qu'ils ne sont pas valides, payez par voie électronique afin qu'ils puissent être contestés par la suite. Et cela soulage le capitaine".
M. Rob Lomas, de l'International Registries (UK) Ltd, a déclaré que la corruption affectait la rentabilité du secteur des transports maritimes, mais il s'est montré optimiste : "J'entrevois le moment où nous commencerons à renverser la vapeur... Ce n'est que par l'engagement que nous pourrons progresser. Je suis stupéfait des progrès réalisés au cours des deux dernières années. Cela indique que les gouvernements réalisent qu'il faut faire quelque chose pour lutter contre la corruption".
M. Himanshu Chopra, du fournisseur mondial de services de gestion de navires Anglo Eastern, a décrit la corruption dans le secteur maritime comme un fardeau inutile pour les gens de mer.
"Ils sont formés pour gérer et exploiter des navires ; ils ne devraient pas avoir à traiter avec des fonctionnaires corrompus dans les ports", a-t-il déclaré.
À la question de savoir ce qui, selon lui, pourrait réduire le risque, il a répondu : "La plupart des problèmes rencontrés peuvent être liés au processus de dédouanement dans le port d'arrivée ou à la mise en quarantaine. Si nous pouvons numériser le processus avant qu'un navire n'entre dans le port, cela réduit les risques", a-t-il déclaré.
Date limite pour le guichet unique maritime obligatoire
Mme Rhona Macdonald, de l'Association internationale des ports (IAPH), a présenté un exposé intitulé "FAL in context : Key outputs from the Symposium, Maritime Single Window 2024 - A window of opportunities" (FAL dans son contexte : principaux résultats du colloque "Guichet unique maritime 2024 - Perspectives nouvelles pour les transports maritimes et les ports"). Organisé conjointement par l'OMI, l'IAPH et le BIMCO, avec le soutien de l'International Port Community Systems Association (IPCSA), et tenu à l'OMI en janvier 2023, il a marqué un an avant l'introduction obligatoire des guichets uniques maritimes pour l'échange électronique de renseignements requis à l'entrée dans un port, au séjour au port et au départ des navires.
Elle a passé en revue les principaux sujets abordés lors de l'événement : l'importance des guichets uniques maritimes et les possibilités qu'ils offrent ; les obstacles à leur mise en œuvre ; les différents types de structures de guichets uniques maritimes ; les avantages de l'interopérabilité et de l'harmonisation des systèmes ; la nécessité de disposer d'une structure de bonne gouvernance ; et la nécessité de mettre en place des mesures de protection contre les cyber-risques.
Pour en savoir plus sur le colloque "Guichet unique maritime 2024 - Perspectives nouvelles pour les transports maritimes et les ports", cliquez ici.
Lutte contre les activités criminelles dans la chaîne d'approvisionnement
M. Cyrus Mody, du Bureau maritime international de la CCI, a présenté la manière dont son organisation fait face aux incidents liés à la criminalité maritime et aux mauvaises pratiques. Le Bureau maritime international, créé en 1981, est une organisation à but non lucratif dont la mission principale est de protéger l'intégrité du commerce international en identifiant et en enquêtant sur les fraudes, en repérant les nouvelles méthodes et tendances criminelles et en mettant en évidence les autres menaces qui pèsent sur le commerce.
Son exposé a porté sur les différents types de pratiques criminelles auxquelles le Bureau maritime international est confronté : drogues, pêche illégale, migration illégale, piraterie, immersion, cyber-criminalité, mais aussi la criminalité en col blanc, comme la fraude, qui est plus difficile à détecter.
M. Mody a déclaré qu'il n'existe actuellement aucun système permettant aux institutions financières ciblées par les fraudeurs de partager facilement des informations et que, comme la détection de ce type de délits est très difficile, les banques peuvent se retrouver touchées à plusieurs reprises.
Le document le plus important dans le domaine maritime est le connaissement, qui attribue la propriété des marchandises. C'est, selon M. Mody, le seul point où une expédition de marchandises est liée au financement de cette expédition.
Il a expliqué que le personnel de la banque n'est pas tenu de vérifier les informations figurant sur le connaissement. L'une des techniques utilisées par les fraudeurs consiste donc à utiliser le nom d'un porte-conteneurs sur le connaissement, alors que le véritable navire transporte du pétrole et doit donc être un pétrolier. Une autre consiste à indiquer sur le connaissement un poids plus élevé que le poids réel de la cargaison, afin d'obtenir un financement plus important de la part d'une banque.
Le contournement des sanctions est un autre problème. M. Mody a déclaré qu'une méthode typique utilisée par les fraudeurs est l'utilisation de routes de navigation alambiquées avec des cargaisons qui sont déchargées et rechargées dans plusieurs ports et sur différents navires, informations qui ne correspondent pas à celles figurant sur le connaissement. Il a également mis en évidence une augmentation du nombre de navires qui "disparaissent" pendant quelques semaines près de certains ports, ce qui, bien qu'il soit difficile d'en prouver la raison, semble suspect.
Par ailleurs, M. Mody a déclaré que plus de 95 % des faux connaissements identifiés par son organisation sont émis par des transporteurs non exploitant de navires et a encouragé tous les transporteurs non exploitant de navires à s'enregistrer auprès du Bureau maritime international, signant ainsi un code de conduite sur l'émission des connaissements.
Selon M. Mody, si les incidents liés aux "navires fantômes" sont moins nombreux aujourd'hui, le Bureau maritime international constate une augmentation de la création de faux registres de navires et des cas de navires qui disparaissent ou qui désactivent leur système d'identification automatique (AIS), deux phénomènes difficiles à détecter et enquêter.
M. Mody a également évoqué un autre type de criminalité : la contrefaçon. Le Bureau maritime international gère le seul registre d'images holographiques au monde, qui protège les droits d'auteur sur les hologrammes et permet l'authentification. Ils le font au nom de l'International Hologram Manufacturers Association, qui conçoit et fabrique les hologrammes qui apparaissent sur les billets de banque ou les billets d'événement, par exemple, et qui doivent tous être enregistrés.
La falsification d'hologrammes, ainsi que l'utilisation illégitime de l'en-tête et des logos d'une société, sont observées dans des cas de fraudes à l'investissement à haut rendement où, par exemple, de fausses personnes sont créées pour ouvrir des comptes bancaires.
Protéger, prévenir, préparer
Chris Trelawny a rejoint INTERPORTPOLICE en tant que Vice-Secrétaire général en provenance de l'OMI. S'adressant au colloque, il a expliqué qu'il s'agissait d'une organisation à but non lucratif qui met en relation les personnes impliquées dans le maintien de l'ordre et la sécurité afin de permettre le partage d'expertise. Ses principaux domaines de travail couvrent les ports aériens et maritimes, les transports, les infrastructures nationales critiques et les frontières. L'organisation n'a pas de rôle d'exécution opérationnelle, mais elle travaille avec la police, les autorités chargées de la sécurité et les organisations internationales pour aider à identifier les risques et à réduire la vulnérabilité.
Grâce à la diffusion des meilleures pratiques en matière de sûreté à l'échelle locale (Community Security Best Practices) d'INTERPORTPOLICE, notamment les systèmes de gestion de la sûreté portuaire et le programme SeeSayAct, à l'élaboration de normes internationales, au partage des enseignements tirés des analyses après action et à la formation opérationnelle, INTERPORTPOLICE vise à renforcer la résilience face à la menace du terrorisme transnational, de la criminalité et du sabotage.
M. Trelawny a déclaré que, grâce à une stratégie de "protection, prévention, préparation", INTERPORTPOLICE s'efforce de faire face aux menaces et de les atténuer en aidant ses membres à tirer les leçons des incidents précédents, à soutenir des systèmes et des stratégies de communication efficaces et à relever les nouveaux défis.
Le colloque a été clôturé par M. Julian Abril Garcia, Chef de la Section de la simplification des formalités de l'OMI. Il a indiqué que le Comité FAL devait adopter le lendemain une résolution sur les amendements à la Convention FAL invitant les gouvernements contractants à mettre en place de nouvelles mesures dans les programmes nationaux de simplification du transport maritime afin d'y inclure la nécessité de lutter contre les activités illicites.
M. Abril Garcia a invité les services de police, de contrôle aux frontières et autres, ainsi que les communautés portuaires et maritimes, à travailler aux côtés des délégations nationales qui assistent aux sessions du Comité FAL ou par l'intermédiaire de leurs organes représentatifs bénéficiant du statut consultatif auprès de l'OMI, notamment INTERPORTPOLICE, l'IAPH, le WWF et le Bureau maritime international de la CCI.
"Le colloque d'aujourd'hui a examiné les moyens de lutter contre les activités illicites", a-t-il déclaré, ajoutant : "Il s'agit d'une étape dans un processus continu visant à identifier les défis existants et émergents pour le bon fonctionnement du trafic maritime international et à développer des solutions pratiques pour y faire face".
Pour en savoir plus sur le colloque sur l'application du droit maritime, cliquez ici, y compris les exposés.
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