Deuxième Colloque de l'OMI sur les combustibles de substitution à faible teneur en carbone et à émission nulle en carbone
Les difficultés et les possibilités découlant de la production de combustibles renouvelable, au centre du colloque de l'OMI
Le deuxième Colloque de l'OMI sur les combustibles de substitution à faible teneur en carbone et à émission nulle en carbone pour les transports maritimes s'est tenu (le 21 octobre) au Siège de l'Organisation maritime internationale en mode hybride (participation en présentiel et à distance). Ce colloque avait pour thème "Garantir une transition juste et inclusive vers des transports maritimes à faible teneur en carbone" et a rassemblé plus de 1 500 participants des Gouvernements Membres, des organisations intergouvernementales, des organisations non gouvernementales et du grand public. Les besoins et les possibilités pour les pays en développement dans le processus de transition énergétique vers des combustibles de substitution à teneur faible ou nulle en carbone pour les transports maritimes ont fait le sujet d'une discussion en particulier.
La stratégie de décarbonation atteint un point critique
Dans son allocution d'ouverture, le Secrétaire général de l'OMI, M. Kitack Lim, a souligné que la décarbonation des transports maritimes internationaux était une priorité pour l'OMI, tout en ne laissant personne de côté. "Nous sommes tous engagés à agir ensemble pour atteindre l'ambition la plus élevée possible", a-t-il déclaré.
M. Lim a remercié les États Membres des efforts qu'ils avaient déployés jusqu'à présent, mais a averti : "Nous approchons maintenant d'un point critique pour la finalisation de la stratégie de décarbonation d’ici mi-2023. Il est primordial d'encourager la disponibilité et l'évolutivité de combustibles marine et de technologies à teneur faible ou nulle en carbone, ainsi que de veiller à ce que tous les États soient en mesure de prendre part à cette transition.
À mesure que de nouvelles technologies et de nouveaux combustibles sont développés, il a également souligné la nécessité d'une formation appropriée pour la main-d'œuvre maritime.
En conclusion de son allocution d'ouverture, M. Lim s'est engagé à ce que l'OMI, en tant que principal forum mondial chargé de réglementer les transports maritimes internationaux, continue à soutenir le processus de décarbonation et à promouvoir une transition juste, équitable et inclusive. Cliquez ici pour lire le discours du Secrétaire général de l'OMI.
Avant le début de la première session du colloque, le Ministre chilien de l'énergie, M. Diego Pardow, a prononcé une allocution vidéo dans laquelle il a déclaré que le Chili adhérait pleinement aux objectifs de durabilité de l'OMI et s'est engagé à ce que son pays fournisse des efforts à long terme pour parvenir à la décarbonation.
Lever les obstacles qui entravent l'accès aux combustibles marine à faible teneur en carbone et à zéro émission de carbone dans le monde
La première session du colloque, animée par Mme Katharine Palmer, Responsable du transport maritime chez Climate Champions, s'est concentrée sur les solutions permettant de surmonter les obstacles à l'accès aux combustibles marine à faible teneur en carbone et à zéro émission de carbone dans le monde. Elle a déclaré que des "mesures audacieuses et rapides", y compris des signaux de demande forts, sont nécessaires pour obtenir des navires sans aucune émission et la disponibilité d'une infrastructure d'approvisionnement en énergie propre à terre pour les soutenir.
Dans un exposé à distance, Mme Elizabeth Connelly, Analyste des technologies de l'énergie et des transports à l'Agence internationale de l'énergie (AIE), a prévenu que les émissions de CO2 provenant des transports maritimes internationaux devraient augmenter par rapport aux niveaux de 2019 et a déclaré que, dans le cadre du scénario "net zéro" de l'AIE, des politiques sont nécessaires parallèlement à l'adoption de technologies et de combustibles innovants.
Les recommandations politiques consistent à rendre plus strictes les normes de l'intensité carbone opérationnelle afin d'encourager le passage à des combustibles à faible teneur en carbone ; une évaluation des émissions du puits au sillage ; l'obligation de construire des navires sans aucune émission ; et une accélération de la recherche, de la conception et du développement.
M. Kenneth Tveter, Chef du groupe "transition verte" chez Clarksons, stratège du secteur maritime, a souligné la rareté actuelle des combustibles renouvelables tels que l'hydrogène, l'ammoniac et le méthanol, et a fait valoir que les technologies d'économie d'énergie sont susceptibles d'avoir une incidence plus importante à court et à moyen termes, tandis que les combustibles de substitution arrivent à maturité. Il a également appelé à une approche globale de la décarbonation des transports maritimes, en tenant compte des voies de décarbonation d'autres secteurs à forte intensité énergétique.
Le prix des combustibles de substitution pour les transports maritimes a été abordé par M. Jonah Sweeney d’Argus Media qui fournit une analyse des prix du marché des combustibles marine. Ce marché, a-t-il dit, devient plus complexe, mais il a souligné que le potentiel pour les soutes à combustible de substitution existe déjà.
M. Chris Chatterton, Responsable des opérations chez Methanol Institute, a fait remarquer que le méthanol est actuellement disponible dans plus de 100 ports et qu'une orientation politique claire était nécessaire pour augmenter la production de méthanol renouvelable pour les transports maritimes.
En clôture de la session, Mme Shamika Sirimanne, Directrice de la Division de la technologie et de la logistique à la CNUCED, a souligné la difficulté importante que représentait la transition vers des transports maritimes à faible teneur en carbone pour les pays en développement, surtout lorsque leur redressement après la crise financière mondiale et la pandémie de COVID-19 était déjà plus fragile que dans d'autres régions du monde.
Elle a lancé un appel aux pays qui disposent de la technologie et des capacités nécessaires pour les partager avec les pays qui n'en ont pas, et où la survie économique à court terme devient l'impératif. "Il faut une solidarité internationale... si l'on veut un mouvement massif en faveur des transports maritimes à faible teneur en carbone", a-t-elle déclaré.
Possibilités pour les pays en développement
Les possibilités potentielles que la transition vers des combustibles à faible teneur en carbone et à zéro émission de carbone présente pour les pays en développement était le thème de la deuxième session du Colloque. Elle était modérée par M. John Fatuimoana Kautoke, Conseiller du Haut-Commissaire des Tonga.
Mme Claudia Octaviano, Coordinatrice de l'atténuation du changement climatique à l'INECC (Mexique), a présenté la stratégie de transport maritime vert et les secteurs portuaires du Mexique. Elle a souligné en particulier la nécessité de transférer les technologies et d'évaluer en profondeur les co-bénéfices de la décarbonation des transports maritimes, y compris de la production d'énergie renouvelable.
M. Waleid Gamaledien, Président de la zone économique du canal de Suez, a présenté les récents développements en Égypte concernant les projets d'infrastructures de soutage vert et la nécessité d'incitations pour que la transition se fasse. Il a déclaré qu'à son avis, de nombreux pays fourniront à l'avenir des combustibles marine à teneur faible ou nulle en carbone, mais que les prix et les volumes peuvent varier. Dans ce contexte, l'approche des centres d'énergie renouvelable sera avantageuse, la proximité des principales voies de navigation étant cruciale. Il a également indiqué que des annonces importantes à cet égard seraient faites lors de la COP27 qui se tiendra à Charm el-Cheikh (Égypte), du 6 au 18 novembre 2022.
M. Lau Blaxekjær, du Forum maritime mondial, a parlé des couloirs de transport maritime écologiques ou mesures fondées sur les routes, comme d'un catalyseur de la décarbonation, en faisant valoir qu'un grand nombre de parties prenantes devraient être impliquées et que les enseignements doivent être partagés en mettant l'accent sur l'évolutivité et la réduction des coûts. "Nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas impliquer les pays en développement dans les couloirs de transport maritime écologiques", a-t-il déclaré.
M. Stuart Neil, Directeur de la stratégie et des communications de l'International Chamber of Shipping, a également défendu le rôle que les pays en développement pourraient jouer. Il a évoqué la manière dont ils pourraient "s'approprier l'avenir", par exemple en créant des plateformes maritimes pour l'énergie propre.
Des exposés ont également été présentés par M. Yanxian Cai, de la China Classification Society, sur la faisabilité des systèmes de captage du carbone à bord, et par M. Voytek Chelkowski, de Seamind Blue Ocean, qui a souligné les coûts élevés du combustible et du soutage, ainsi que l'importance de fixer un cap clair en matière de décarbonation afin d'apaiser les inquiétudes concernant la perturbation du commerce mondial.
Assurer une transition juste et équitable vers des transports maritimes à faible teneur en carbone
La session finale du Colloque a exploré, comme l'a dit la modératrice, Mme Fernanda Millicay, Représentante permanente de l'Argentine auprès de l'OMI, "la partie juste et inclusive".
M. Christiaan De Beukelaer, qui enseigne la culture et le climat à l'Université de Melbourne, a présenté les résultats de ses récentes recherches sur la "transition juste et équitable" dans le contexte du transport maritime. Il a insisté sur l'efficacité en termes d'environnement et l'équité de la procédure, soutenues par la justice sociale, l'équité mondiale et l'inclusion technologique. Il a déclaré à ce propos : "Il ne faut pas attendre du secteur des transports maritimes qu'il résolve tous les problèmes du monde", et il a ajouté : "La transition énergétique est une occasion d'améliorer les vies".
Les difficultés particulières auxquelles sont confrontés les petits États insulaires en développement (PEID) ont été mises en évidence dans une exposé passionné et direct présenté par Mme Atina Schutz, étudiante chercheuse au Micronesian Center for Sustainable Transport. Mme Schutz s'est adressée au colloque depuis les Îles Marshall qui, a-t-elle rappelé à l'auditoire, se trouvent à moins de deux mètres au-dessus du niveau de la mer et sont particulièrement vulnérables au changement climatique.
"Je suis au début de la vingtaine, la génération qui risque de payer le véritable coût des combustibles fossiles". Elle a poursuivi : "Le temps n'est pas notre ami... Nous n'avons pas le choix ; nous devons agir de manière décisive maintenant". Les opportunités d'investissement pour un secteur responsable sont considérables, a-t-elle déclaré, appelant l'OMI à fournir une certitude quant à la vitesse et à la trajectoire du changement en utilisant les principes existants inscrits dans le droit international pour assurer une transition équitable.
D'autres exposés ont été présentés par : M. Goran Dominioni du Groupe de la Banque mondiale sur les revenus du carbone provenant des transports maritimes internationaux ; M. Fabio da Silva Vinhado, du Ministère brésilien des mines et de l'énergie, sur les avantages de la production de biocarburants, d'hydrogène à faible émission de carbone et de méthanol au Brésil ; et M. Gerardo Borromeo, de Philippine Transmarine Carriers et membre de la Just Transition Task Force, qui a parlé de la nécessité de faire du secteur maritime une option de carrière attrayante pour la prochaine génération. Il a fait remarquer que, s'il faut moins de trois ans pour construire un navire, passer de cadet à capitaine peut prendre jusqu'à 14 ans.
Mme Mehtap Özdemir, Secrétaire générale de l'Association des constructeurs de navires turcs, a été la dernière intervenante de cette session. Elle a parlé des possibilités de carrière dans la construction navale, notamment des nouveaux rôles émergents, par exemple dans le développement de logiciels, l'analyse de données et les technologies de balayage 3D. Elle a également souligné l'importance d'objectifs clairs dans la Stratégie de l'OMI et la nécessité de financer et de lancer des projets pilotes dans tous les secteurs de la décarbonation des transports maritimes.
Dans ses conclusions, Mme Millicay a souligné que la décarbonation des transports maritimes pouvait effectivement offrir de nouvelles opportunités aux pays en développement, mais qu'elle impliquait également des difficultés importantes, qui doivent être abordées consciencieusement dans l'élaboration des politiques, avec un sens accru de la solidarité internationale.
Regardez l'intégralité du Colloque ici.
Téléchargez les exposés et les photos : https://www.imo.org/fr/About/Events/Pages/IMO-Symposium-on-alternative-low--and-zero-carbon-fuels-for-shipping-2022.aspx