Atelier sur la corrélation entre le rendement énergétique et le bruit rayonné sous l'eau produit par les navires, 18 et 19 septembre 2023
L'atelier examine les possibilités croissantes de lutter à la fois contre les émissions de gaz à effet de serre et le bruit rayonné sous l'eau nocif.
L'existence de technologies éprouvées et les preuves de plus en plus nombreuses des avantages combinés que l'on peut tirer d'un transport maritime économe en énergie ont été considérées comme les principaux points à retenir de l'Atelier de l'OMI sur la corrélation entre le rendement énergétique et le bruit rayonné sous l'eau produit par les navires. La réunion de spécialistes a convenu que les gains à tirer de ces synergies peuvent être accélérés en utilisant la conception des navires et la planification opérationnelle pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et limiter les dommages causés à la faune marine par le bruit rayonné sous l'eau.
Pendant deux jours au Siège de l'OMI, les 18 et 19 septembre, les parties prenantes du secteur maritime, notamment les exploitants de navires, les autorités portuaires et les concepteurs de navires, ont rejoint des universitaires et des ingénieurs pour discuter de la manière dont les processus techniques et de conception peuvent être appliqués et combinés de manière optimale. Les discussions ont également porté sur les compromis à prendre en compte, sur les besoins en termes de recherche et de données de suivi pour aider à la prise de décision, et sur la manière dont la réglementation peut soutenir et induire le changement.
Dans son allocution d'ouverture, M. Jack Westwood-Booth, Directeur adjoint principal de la Division de la sécurité maritime de l'OMI, a rappelé aux participants la raison de leur présence :
"On ne saurait trop insister sur l'importance de la sauvegarde de nos océans et des divers écosystèmes qu'ils abritent. Les navires de commerces sont parmi les navires qui contribuent le plus au bruit rayonné sous l'eau, lequel a des incidences néfastes sur les fonctions vitales de diverses espèces marines, y compris des espèces de mammifères marins, de poissons et d'invertébrés. Cela a des répercussions sur les communautés côtières autochtones qui dépendent de ces espèces pour ce qui est de leur alimentation, de leur subsistance et de leur culture."
L'atelier, coprésidé par le Canada, la France et les États-Unis d'Amérique, était divisé en quatre thèmes (en anglais seulement) :
Reducing GHG and noise emissions: Setting the Stage
Energy efficiency by design and related new systems: What do we know about URN relationships?
Energy transition, operational optimizations and related solutions: What do we know about URN relationships?
Bridging the gaps and going to scale: Building better information for integrated GHG and noise reduction.
Les points essentiels convenus à la fin de l'atelier peuvent être consultés ici (en anglais seulement).
Gaz à effet de serre et bruit rayonné sous l'eau - les grandes lignes du défi
Un exposé présenté par M. Sveinung Oftedal (Norvège), Président du Groupe de travail intersessions sur la réduction des émissions de GES provenant des navires, a décrit les travaux de l'OMI sur le rendement énergétique, y compris les développements récents tels que les nouvelles prescriptions obligatoires de l'EEXI et du CII relatives au rendement énergétique et l'adoption de la Stratégie de l'OMI concernant les GES de 2018, mise à jour en 2023. M. Oftedal a recommandé la série de vidéos récemment lancée par l'Alliance mondiale du secteur à l'appui des transports maritimes à faibles émissions de carbone (GIA), qui explique les prescriptions de l'EEXI.
Mme Michelle Sanders, Représentante permanente suppléante du Canada auprès de l'OMI, a présenté les travaux de l'Organisation sur le bruit rayonné sous l'eau, notamment l'élaboration en 2014 de Directives visant à lutter contre les incidences du bruit rayonné sous l'eau sur la faune marine et leur révision approuvée par le Comité de la protection du milieu marin (MEPC) de l'OMI en juillet 2023. Un Groupe de travail par correspondance intersessions doit soumettre des propositions sur les prochaines étapes suggérées au Sous-comité de la conception et de la construction du navire (Sous-comité SDC) en janvier 2024 qui, à son tour, fera rapport au MEPC.
Les objectifs du Projet de partenariats GloNoise, qui sera bientôt lancé, ont été présentés par M. Steven Reyersen, membre de l'équipe du projet. Créé par le Département des partenariats et projets de l'OMI, il a pour objectif d'établir un partenariat mondial entre les parties prenantes afin d'aider les pays en développement en matière de sensibilisation et de renforcement des capacités afin de traiter la question du bruit sous-marin produit par les navires, au niveau national et international. Il bénéficie d'un financement de près de 2 millions de dollars fournis par le Fonds pour l'environnement mondial (FEM) pour fonctionner en tant que projet pilote pendant deux ans.
Une étude sur les traitements visant à accroître le rendement énergétique et à réduire les émissions de gaz à effet de serre ainsi que leur incidence sur le bruit rayonné sous l'eau, réalisée par VARD Marine, a été mentionnée à plusieurs reprises au cours de l'atelier. Les conclusions de l'étude et la matrice associée ont été résumés par M. Rienk Terweij de la VARD. Le rapport peut être consulté ici.
La recherche a analysé les conceptions et les technologies permettant d'améliorer l'hydrodynamique, la propulsion plus silencieuse, y compris la conception des hélices et les effets de l'utilisation de combustibles alternatifs, ainsi que d'autres traitements technologiques en matière de rendement énergétique, de gaz à effet de serre et de bruit rayonné sous l'eau, de même que des mesures opérationnelles telles que la navigation à vitesse réduite. L'étude a révélé que les principales sources de bruit rayonné sous l'eau étaient le bruit des hélices, le bruit des machines et le bruit d'écoulement. Les recherches de la VARD ont montré que le rendement énergétique et le bruit rayonné sous l'eau sont souvent étroitement corrélés, c'est-à-dire que si le rendement énergétique augmente, le bruit rayonné sous l'eau diminue. Toutefois, elle a constaté que dans un petit nombre de cas, une réduction du rendement énergétique entraîne une augmentation du bruit rayonné sous l'eau.
L'étude a examiné l'incidence que peut avoir l'application de mesures opérationnelles et de technologies d'atténuation - par exemple, la réduction de la vitesse ou l'utilisation de la propulsion éolienne.
M. Terweij a demandé que davantage de recherches soient menées sur le bruit rayonné sous l'eau, notant que la confiance dans les connaissances à ce sujet est nettement inférieure à la confiance dans les connaissances sur les émissions de gaz à effet de serre.
Une table ronde sur la mise en œuvre de stratégies de réduction des émissions de gaz à effet de serre et du bruit a suivi, avec les points de vue de propriétaires de navires, de sociétés de classification, d'universitaires, d'environnementalistes et de ceux qui promeuvent un secteur maritime à émissions nulles grâce à la technologie.
Parmi les points soulevés figurent les mesures existantes qui contribuent à la fois au rendement énergétique et à la réduction du bruit rayonné sous l'eau, telles que la réduction de la vitesse et le nettoyage des coques ; la nécessité de concevoir les nouveaux navires en tenant compte des mesures de réduction des gaz à effet de serre et du bruit rayonné sous l'eau ; comment inciter le secteur à obtenir de meilleurs résultats ; l'interrelation entre les défis posés par le bruit rayonné sous l'eau, les GES et la santé des océans ; et le manque actuel de données sur la manière dont les technologies de réduction des GES peuvent également réduire le bruit sous-marin, et dans quelle mesure.
Rendement énergétique dès la conception et comment cela pourrait aider à réduire le bruit sous-marin
Des exposés ont été présentés par plusieurs personnes qui recherchent, développent et testent des moyens pour optimiser le rendement énergétique dans les transports maritimes qui entraînent des avantages en termes de réduction du bruit sous-marin.
Les projets dans ce domaine impliquent des acteurs de l'ensemble du secteur des navires de commerce :
Les entreprises internationales de transport maritime et de logistique telles que Maersk et CSL testent des systèmes sur leurs navires et tentent de mesurer l'incidence sur le bruit rayonné sous l'eau.
Les institutions universitaires - par exemple, les recherches menées par l'Institut coréen de recherche en mécanique navale et génie océanologique (KRISO), qui développe une technologie d'atténuation du bruit rayonné sous l'eau des navires, montrent que plus le rendement énergétique est grand, moins la réduction du bruit rayonné sous l'eau est importante. L'Université de Strathclyde participe au projet GATERS concernant l'installation rétroactive d'un nouveau système de gouvernail de type "Gate" qui, selon elle, permet d'économiser au moins 15 % de combustible et de réduire le bruit rayonné sous l'eau de 15 à 20 décibels (dB). Le Maritime Research Institute Netherlands (MARIN) travaille sur quatre solutions possibles.
Le projet Life PIAQUO et une petite société d'ingénierie marine, Oscar Propulsion, redessinent tous deux les pales d'hélice afin de réduire la cavitation et d'optimiser ainsi le rendement énergétique et la réduction du bruit sous-marin.
M. Kevin Reynolds, de Glosten, un cabinet de conseil en architecture navale et en ingénierie maritime, a déclaré que le secteur commence à comprendre la relation inverse entre le rendement énergétique et la réduction du bruit rayonné sous l'eau. Il a plaidé en faveur de mesures incitatives visant à inclure la réduction du bruit rayonné sous l'eau comme prescription minimale au stade de la conception.
Au cours de cette session, plusieurs questions ont porté sur les économies réalisées grâce au rendement énergétique et sur les aspects pratiques d'une éventuelle combinaison de solutions.
Incidence des émissions de gaz à effet de serre et du bruit sous-marin sur les communautés autochtones
La deuxième journée de l'atelier a débuté par un discours de Mme Lisa Koperqualuk, Présidente du Conseil circumpolaire inuit (CCI) et Cheffe de délégation à l'OMI. Le CCI, qui jouit d'un statut consultatif auprès des Nations Unies et d'un statut consultatif provisoire auprès de l'OMI, représente 180 000 Inuits vivant en Alaska (États-Unis), au Canada, au Groenland (qui fait partie du Royaume du Danemark) et en Fédération de Russie.
Mme Koperqualuk a plaidé pour que le secteur maritime accède et utilise les connaissances des communautés inuites sur les schémas océaniques et côtiers, les marées, les mouvements des glaces, et les mammifères qui ont été accumulées au fil des générations. Selon elle, cette démarche permet d'améliorer les résultats et les recommandations politiques.
"Nos communautés sont approvisionnées par des navires en provenance du sud. Nous sommes également propriétaires de navires. Notre vision est de générer les connaissances nécessaires pour un transport maritime sûr et durable dans l'Arctique, ce qui ne peut se faire sans les partenaires inuits, du secteur et des pouvoirs publics", a déclaré Mme Koperqualuk lors de la réunion.
Relations entre transition énergétique, optimisations opérationnelles et bruit sous-marin
Dans une session intitulée "Energy transition, operational optimizations and related solutions: What do we know about URN relationships?", les participants ont pris connaissance des efforts déployés par certaines entreprises, telles que les exploitants de transbordeurs et les autorités portuaires, pour mieux comprendre les effets néfastes de leurs activités concernant le bruit rayonné sous l'eau, ainsi que des mesures d'atténuation qu'elles ont mises en place en conséquence.
M. Derek White, du port de Vancouver, a décrit les "avantages évidents" démontrés par un essai réalisé en 2017 de réduction de la vitesse du trafic maritime. En conséquence, les ralentissements saisonniers ont été amplifiés. En 2022, les résultats des ralentissements volontaires ont permis une réduction de 2,2 à 3 dB du bruit sous-marin.
BC Ferries exploite 39 transbordeurs sur 25 itinéraires le long de la côte ouest du Canada. Leur objectif est de réduire les niveaux de bruit émis par leurs activités de la base de référence actuelle de 185 dB à 175 dB. Leurs recherches sur la conception des hélices ont montré que plus l'hélice est silencieuse, moins le rendement énergétique est élevé. Ils ont également mesuré les avantages de l'utilisation d'un nouveau revêtement pour aider à garder leurs coques propres - cela a permis de réduire la consommation de combustible de 2 % et de diminuer légèrement le bruit.
Washington State Ferries exploite 21 transbordeurs sur 10 itinéraires dans la mer de Salish, au nord-ouest du Pacifique. M. Kevin Bartoy, Responsable du développement durable de la compagnie, a expliqué les trois plans mis en place par la compagnie pour s'attaquer au développement durable et à la décarbonation, ce qui a permis de réaliser des économies de combustible. Leur Groupe de travail sur l'efficacité opérationnelle encourage les suggestions de la flotte, s'engage à vérifier rapidement les mesures et à mettre rapidement en œuvre celles qui sont jugées prometteuses.
L'atelier a permis d'entendre des entreprises produisant de nouvelles technologies à rendement énergétique élevé :
GRAPHITE produit des revêtements pour les surfaces immergées des navires qui contribuent à maximiser le rendement énergétique. L'entreprise a également mis au point un revêtement qui agit comme un apprêt pour isoler et réduire le bruit rayonné sous l'eau. Silverstream Technologies, un nouveau venu dans le domaine du bruit rayonné sous l'eau et désireux de collaborer à sa résolution, propose un système de lubrification à l'air qui, selon ses dires, grâce au déploiement d'un "tapis" uniforme de bulles d'air, permet de réaliser des économies nettes de combustibles et d'émissions de 5 à 10 %.
Le groupe PowerCell produit des piles à combustible à hydrogène qui, selon lui, ont été sélectionnées pour des projets de transbordeurs et pour lesquelles le marché des yachts privés a montré beaucoup d'intérêt.
L'International Windship Association a présenté aux participants de l'atelier une technologie très ancienne qui fait son retour : la propulsion éolienne. En particulier, le potentiel de combinaison de la propulsion éolienne avec d'autres technologies a été mis en évidence.
Mesures pratiques dans le cadre d'une approche stratégique visant à réduire les gaz à effet de serre et le bruit rayonné sous l'eau
La dernière session de l'atelier s'est concentrée sur les mesures pratiques que les acteurs du secteur maritime peuvent prendre pour mettre en place des stratégies permettant de réduire les émissions de GES et le bruit rayonné sous l'eau.
L'Ocean Planner de Quiet Oceans est un outil qui peut être installé sur les navires afin d'évaluer les avantages et les coûts induits par les mesures de réglementation de planification de l'espace maritime, telles que les zones où la vitesse d'un navire est limitée ou où la navigation est interdite - ou limitée aux navires qui respectent une limite de niveau sonore donnée.
Les recherches menées dans le cadre du projet SATURN sur l'incidence du bruit des navires sur le milieu marin, auquel participent 20 partenaires de 10 pays, montrent que le fait de voyager à vitesse réduite présente des avantages significatifs non seulement en termes de niveaux de bruit, mais aussi de durée d'exposition des animaux à ce bruit et de taille de l'empreinte dans laquelle ils y sont exposés.
M. Bruce Anderson, du Starcrest Consulting Group, a donné des exemples de ce que font certains ports. Par exemple, certains ont mis en place des restrictions de vitesse : le port de Los Angeles et le port de Long Beach appliquent une limite de vitesse de 12 nœuds ; la limite du port de New York et du New Jersey est de 10 nœuds. Le projet "Protecting Blue Whales and Blue Skies" (protéger les baleines bleues et le ciel bleu) implique 23 compagnies maritimes mondiales et étudie le bruit rayonné sous l'eau, la capacité de survie en cas de collision avec des baleines et les réductions d'émissions. L'étude a révélé que le bruit des océans avait diminué de 6 dB en moyenne, que le risque de collision avec les baleines avait baissé de 44 %, et que les émissions régionales de gaz à effet de serre avaient diminué de 32 %.
Mme Charlotte Runzel, de SailPlan, qui mesure et modélise les résultats de l'ensemble du processus de combustion, a expliqué qu'avec les bonnes données, le système peut envoyer des alertes aux opérateurs de navires pour leur suggérer des mesures en temps réel afin d'accroître le rendement - par exemple, en les invitant à changer de vitesse ou à réduire le nombre de moteurs. La mesure directe est, selon elle, plus simple et plus précise que le calcul des émissions à partir de la consommation de combustible, et il est donc plus facile de se conformer à la réglementation.
Les recherches menées par M. René Taudal Poulson, de l'École de commerce de Copenhague, se sont concentrées sur l'élément humain en observant les décisions quotidiennes qui influencent le rendement énergétique d'un navire. L'étude a révélé que les décisions de planification des voyages étaient prises par les propriétaires de navires, les propriétaires de cargaisons, les parties prenantes portuaires et les gouvernements sur la base de facteurs commerciaux, ce qui, selon lui, peut nuire au rendement énergétique.
Des liens vers tous les exposés de l'atelier et des photos de l'atelier sont disponibles ici.